Rrose Sélavy, chapeau à voilette, chapeau à plume, visage penché et colliers de perles, le « costume » de la femme élégante, c’est déjà Duchamp. Face à l’objectif de Man Ray, ready made vivant, image d’image, métalangue et jeu du dire quand le double R censé éloigner du prénom et de la fleur s’en accroche par la prononciation de la vélaire, incitatrice de double entente en Eros. Et l’oral des deux termes provoque diverses lectures, outre c’est « Eros/c’est la vie », l’inversion type chanson populaire en la vie en rose...
Inverser les modèles, en surlignant les actes, si la modèle masculin, impose force, détermination, yeux secs, sans maquillage- du moins en notre Occident actuel- le modèle féminin, censé de douceur et de finesse, impose élégance, sourire et pleurs et femme au foyer. Les codes traditionnels faisaient la femme, la désignant comme la reine de la maison ou autre fée du foyer, embellissant par là, des tâches trop domestiques pour être dévolues à l’homme.Isabel Pulgar mène une action de déminage de tels modèles imposés. Elle n’adhère pas davantage à un modèle performatif, préférant en décliner plusieurs : la sculpture vivante avec objet, la gestuelle domestique faussement acceptée, l’enlèvement d’un costume éminemment contraignant, variante de son META_W puisque si le genre n’est qu’une forme, refuser la forme imposée s’est se faire soi, toujours recommencée. Se Faire.Elle pervertit l’espace de la salle à manger canonique avec son buffet et sa table et des objets de décoration non en surjouant la figure que l’on attend de la femme qui doit précisément faire bonne figure, ni en ajustant le modèle mais en détournant objets et gestes de cette féminité-là imposée.
Le montage perturbe la topographie du dedans autorisé, en alternant sans logique de déplacement : la maison et une salle d’usine avec deux grosses machines circulaires en gros plans sans précision de leur pourquoi. La performeuse en robe- chemise courte, loin d’un costume de travail en usine ou à la maison, y tient un cor, elle le manipule, s’en coiffe ou souffle dans son embouchure sans en tirer un son. Elle expérimente l’objet et sa forme. Elle opère, de même, une investigation des objets de la salle de la maison ; parfois simplement, remplir d’eau un gobelet d’étain comme la carafe, et boire, parfois sans plus d’étonnement marqué, se coiffer ou tâcher d’enfiler un grand abat-jour, parfois chercher à atteindre celui accroché au plafond avec une pince se terminant par une main. Le glissement vers le non sens gagne l’aménagement ; certains meubles se doublent en symétrie ; la femme peut y être assise et se doubler aussi.
Le temps reste arrêté à 6 heures de la pendule mais la femme fait du temps, puisqu’elle agit et s’agite, tout en refusant la distinction du dedans et du dehors : elle se cache derrière le rideau de part et d‘autre de la fenêtre et cela, parfois simultanément. De même, elle avait rejoint cette pièce en surimpression, spectrale avant de prendre une corporéité machine avant celle sur cet espace de paroles incompréhensibles.Le cor est instrument pour cette défiguration volontaire de la femme telle qu’on la voudrait ; en revanche, elle lutte pour ôter une cagoule imposée par étape jusqu’à la couvrir de même qu’une longue chasuble qui emprisonne le corps. Elle penche sa tête, la forçant de ses mains, elle la remue encore s’aidant de ses mains ; de dos et de face parfois totalement enfermée. Suffoquant, elle parvient à ôter ce carcan, elle respire sous des accords distincts de guitare se différenciant de la sonorité constante... un chat surgit sans autre justification, sans mouvement d’elle.L’artiste dit : La structure duelle de la pensée duelle fait que les composants qui l'ordonnent s'établissent de façon bipolaire : esprit/ nature, esprit/ corps, blanc/noir, homme/femme, vrai /faux. Une hiérarchie en découle avec des significations, en termes absolus, très partagées, correspondant au bien et au mal, au positif et au négatif, dérivés de ce principe, comme avec ces présupposés idéologiques. Ceuxd’une construction socioculturelle qui établit un ordre social perpétuant la domination d'un groupe sur un autre. Simone Dompeyre (Directrice Traverse Video Festival)